Paul Cézanne peignant l’« éternité » via son voyage de retour en Provence.

          En 1861, Cézanne quitta sa ville natale pour obtenir son diplôme en droit à la faculté d’Aix l’année suivante. Il ira ensuite à Paris pour étudier la peinture. Emile Zola, son ami de collège, y était déjà installé. Son invitation joue un rôle dans le changement de carrière de Cézanne, destiné au métier d’avocat. Pendant son séjour parisien, Cézanne fit la connaissance de Pissarro, Monet, Sisley, Manet et Renoir. Il sombra parfois dans la dépression, car il trouvait que sa peinture était médiocre par rapport aux autres artistes. En 1872, suite à l’invitation de Pissarro, impressionniste, Cézanne s’installa à Pontoise avec sa famille et commença à peindre des paysages avec Pissarro qui lui apprit le style impressionniste. En 1874, il exposa au Salon de Paris ses œuvres Maison du pendu et Paysage d’Auvers-sur-Oise. Il y reçoit pourtant une critique sévère. Il participa aussi à l’exposition des impressionnistes en 1877 avec quinze œuvres, notamment le portrait de Victor Chocquet. Il est encore très mal accueilli. Néanmoins, Cézanne continu à proposer au Salon ses peintures année après année et ce durant plus de vingt ans bien qu’elles y soient toujours refusées : Paris ne lui tourne le dos.

CEZANNE, Paul, Maison du pendu, 1873, Huile sur toile  55 × 66 cm, Musée d’Orsay. Source : Wikipédia. Licence : Réutilisation autorisée sans but commercial.

CEZANNE, Paul, Maison du pendu, 1873, Huile sur toile 55 × 66 cm, Musée d’Orsay. Source : Wikipédia. Licence : Réutilisation autorisée sans but commercial.

          Cézanne se nomme lui-même comme disciple de Pissarro. Mais il ne se contente pas du groupe impressionniste, pensant que ceux-ci sacrifient les modèles structuraux et les différents éléments de l’espace en ne se concentrant que sur l’effet de la lumière. « Je veux faire de l’impressionnisme quelque chose de solide comme l’art des musées »(1) : cette citation détermine bien le sujet sur lequel il réfléchit durant toute sa vie. Cézanne essaie de trouver un aspect essentiel et éternel des objets. Cet effort l’amène finalement à interpréter la nature par le cylindre, la sphère et le cône. Il finit par trouver un art éternel dans les formes simplifiés et géométrisés plutôt que la description réaliste des objets changeants à chaque instant.

          Cette étude formelle de Cézanne, voulant un nouveau langage stylistique, se met définitivement en place lors de ses voyages dans le sud de la France, où se trouve sa ville natale. Vers 1880, Cézanne séjourne souvent à l’Estaque, le petit port de pêche, près de Marseille. Son œuvre La mer à l’Estaque fut réalisé durant cette période. Ce tableau révèle, à travers ses toits ou ses bâtiments, la recherche de Cézanne vers une construction géométrique. On peut noter également ses touches brèves rythmées et l’harmonie de ses couleurs bleu, jaune et vert. Il détruit ainsi la norme académique.

Paul, La mer à l’Estaque, 1883-1885, Huile sur toile, 65 × 81 cm, Collection privée. Wikipédia. Licence : Réutilisation autorisée sans but commercial

Paul, La mer à l’Estaque, 1883-1885, Huile sur toile, 65 × 81 cm, Collection privée. Source : Wikipédia. Licence : Réutilisation autorisée sans but commercial

          Sa mère loue pour lui une maison à l’Estaque d’où se déploie la belle vue de la montagne Sainte-Victoire. Il y réalise une série sur cette montagne ainsi que ses trois Grandes Baigneuses. Ces deux séries montrent clairement la réflexion de Cézanne sur le formalisme. Ses paysages provençaux ne sont pas réalistes et nous invitent à les regarder d’une nouvelle manière. La forme la plus simple prise dans la nature ou le corps humain est forcément géométrique. Ses montagnes Sainte-Victoire et ses femmes seront géométrisés à l’extrême, comme l’écrit Cézanne :« Longtemps je suis resté sans pouvoir, sans savoir peindre la Sainte-Victoire, parce que je m’imaginais l’ombre concave comme les autres qui ne regardent pas, tandis que, tenez, regardez, elle est convexe, elle fuit de son centre. Au lieu de se tasser, elle s’évapore, se fluidise. Elle participe toute bleutée à la respiration ambiante de l’air. »(2)

CEZANNE, Paul, La Montagne Sainte-Victoire vue de Bellevue, vers 1885, Huile sur toile, 73 cm × 92 cm, Fondation Barnes, Philadelphie (États-Unis). Wikipédia. Licence : Réutilisation autorisée sans but commercial.

CEZANNE, Paul, La Montagne Sainte-Victoire vue de Bellevue, vers 1885, Huile sur toile, 73 cm × 92 cm, Fondation Barnes, Philadelphie (États-Unis). Source : Wikipédia. Licence : Réutilisation autorisée sans but commercial.

          Alors que Cézanne se consacre à sa série sur Sainte-Victoire, Zola publie en 1886 son roman L’œuvre dans lequel Cézanne est décrit comme un peintre raté. Irrité, Cézanne rompt son amitié avec Zola, auquel il était lié depuis 34 ans, et s’enferme dans son atelier à Aix en Provence afin de se consacrer uniquement à son œuvre jusqu’à la fin de sa vie.

          Bien qu’il soit représenté comme un peintre raté dans le roman de Zola et qu’il n’ait pas obtenu un seul prix du Salon durant plus de vingt ans, il réussit à créer sa « nature perpétuelle » en retournant dans sa ville natale, en Provence. L’étude qu’il poursuivit durant toute sa vie offre un nouveau terrain d’expériences pour les artistes qui lui succèdent et joue un rôle phare en les guidant vers l’art contemporain, comme Picasso le confirme : « Cézanne est notre père à tous. »(3)

Hyoju

Webographie

  • DURET, Théodore, « Histoire des peintres impressionnistes : Pissarro, Claude Monet, Sisley, Renoir, Berthe Morisot, Cézanne, Guillaumin », 1919, H. Floury, Paris. [en ligne]  (consulté le 25 mars 2015).
  • COURT, Raymond, « Cézanne et la vérité de la peinture », Etudes (Revue de culture contemporaine). [en ligne]  (consulté le 26 mars 2015).
  • « Paul Cézanne », Rarousse, [en ligne] (consulté le 21 mars 2015).
  • « Paul Cézanne », Grand encyclopédie Rarousse, [en ligne]  (consulté le 21 mars 2015).
  • JOBERT, Barthélémy, « Cézanne Paul (1839-1906) », Encyclopædia Universalis [en ligne]  (consulté le 21 mars 2015).
  • CONTRUCCI, Jean, « L’été Cézanne – L’Estaque, village marseillais », 1995, L’express, [en ligne]  (consulté le 21 mars 2015).
  • « Cézanne et Pissarro 1865-1885», Musée d’Orsay [en ligne]  (consulté le 23 mars 2015).
  • « Paul Cézanne, Le golfe de Marseille vu de L’Estaque », Musée d’Orsay, [en ligne]  (consulté le 23 mars 2015)
  • COLONNA-CESARI, Annick, « Picasso et maître Cézanne », L’express, publié le 28/05/2009 [en ligne]  (consulté le 21 mars 2015).

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